Qui n’a pas entendu parler de perturbateurs endocriniens, de pollution environnementale, de bisphénol?... Mais que sont ces substances que l’on qualifie de perturbateurs endocriniens? Sont-elles dangereuses? Où les trouve-t-on? Doit-on s’en protéger?
Quelle est la définition des perturbateurs endocriniens?
Il existe une définition officielle édictée par l’OMS en 2012, cette définition est celle utilisée en France et dans l’union européenne:
“Un perturbateur endocrinien est une substance ou un mélange de substances, qui altère les fonctions du système endocrinien et de ce fait induit des effets néfastes dans un organisme intact, chez sa progéniture ou au sein de (sous)-populations”
Les perturbateurs endocriniens sont nombreux (ils sont notamment listés sur une liste européenne). Les perturbateurs endocriniens constituent un véritable problème de pollution environnementale: ils sont présents partout: air, eau, sol, alimentation, etc.
Certains sont considérés comme des perturbateurs endocriniens avérés, d’autres sont suspectés de l’être.
Que font les perturbateurs endocriniens sur l’organisme et la santé?
Les perturbateurs endocriniens (PE) sont des substances qui altèrent le fonctionnement hormonal des organismes. Ce faisant ils en altèrent la physiologie et donc perturbent le fonctionnement des divers systèmes comme:
- la communication entre les organes, tissus ou cellules
- les processus de développement: croissance, développement fœtal
- métabolisme
- nutrition
- fonctionnement du système nerveux
- immunité
- reproduction
Comment agissent les perturbateurs endocriniens?
Les perturbateurs endocriniens dérèglent le fonctionnement du système hormonal, ils peuvent agir de trois façons différentes:
- en perturbant la production d’une hormone, sa régulation ou son récepteur. Ce qui modifie le signal endocrine
- en imitant le message d’une hormone (ex: les oestrogénomimétiques*)
- en empêchant l’interaction hormone récepteur
*oestrogénomimétiques: qui reproduit en totalité ou partie l'action des oestrogènes
Comment est-on exposé aux perturbateurs endocriniens?
Il faut distinguer les cas de l’exposition sur son lieu de travail, due à la profession et l’exposition courante pour la population générale.
Les professionnels de certains milieux sont susceptibles d’être exposés à des perturbateurs endocriniens de part leur activité (agriculture, industrie pharmaceutique, industrie chimique, ...). Ces professionnels peuvent être exposé à un certains nombre de substances telles que les produits phytopharmaceutiques, les pesticides, les matières plastiques... Pour ces cas particuliers il est indispensable de respecter les mesures de protection individuelles.
Concernant la population générale parmi les sources d’exposition au perturbateurs endocriniens on peut retrouver:
- l’ingestion des perturbateurs endocriniens, dans l’eau ou l’alimentation à cause des substances ayant migrées depuis les emballages ou de résidus présents à cause de la contamination des végétaux (via les sols)
- le contact cutané, notamment via le contact des produits ménagers, des cosmétiques, des produits d’hygiène corporelle
- l’inhalation
Quelles sont ces molécules, où les trouve-t-on?
Les perturbateurs endocriniens sont nombreux et omniprésents. Il y a toutefois un certains de nombres de substance mises en lumière ces derniers temps. Parmi celles-ci on retrouve:
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Le Bisphénol A (BPA)
- Utilisé dans la fabrication de plastiques, de résines, on le retrouve dans les emballage et les produits du quotidien. Il est principalement ingéré et a été mis en cause pour ses effets cancérogènes chez l’Homme et ses effets oestrogénomimétiques. L’ANSES a identifié les produits et secteurs utilisant du bisphénol, ainsi on est susceptible de retrouver du BPA dans une grande variété de produits à usage alimentaire ou non (articles de sport, fluides industriels, emballages plastiques, tickets de caisse, etc). Depuis le 1er janvier 2015 (Loi n°2012-1442 du 24 décembre 2012), le BPA est interdit dans les contenants à usage alimentaire direct.
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Certains phtalates
- Ils sont présents dans certains lubrifiants, détergents, solvants mais également dans certains produits pharmaceutiques ou cosmétiques. Ils sont interdit en France depuis 2011. Ils sont oestrogénomimétiques et sont à l’origine d’anomalie de développement et de dérèglement du métabolisme. L’absorption se fait par ingestion via la migration de ces produits sous l’effet de la chaleur (dans les emballages).
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Certains parabènes
- Ils sont massivement utilisés dans les cosmétiques où ils jouent le rôle de conservateur, mais on peut également les retrouver dans certains produits pharmaceutiques ou dans les aliments sous forme d’additifs. Ils sont particulièrement problématiques chez la femme enceinte car ils sont susceptibles de conduire à des anomalies du développement fœtal. Ils sont également cancérogènes.
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Les alkylphénols
- On les retrouvent dans des produits du quotidien et produits cosmétiques notamment les détergents, peintures, pesticides, spermicides, tuyaux en PVC, colorations pour les cheveux, crèmes à raser. L’UE interdit leur usage dans les produits d’usage courant à une concentration supérieure à 0.1%. Ils ont une activité oestrogénomimétiques et peuvent conduire à des anomalies de développement.
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L’hydroxyanisol butylé (BHA)
- Comme le BHT il est utilisé comme conservateur anti-oxydant dans certains aliments (E320) et produits cosmétiques. Il permet notamment d’éviter l’oxydation des lipides c’est pourquoi on le retrouve dans les crèmes, baumes, rouges à lèvres, mais également dans certaines chips... Il possède des propriétés oestrogénomimétiques, neurotoxiques et cancérogènes. Il est interdit dans certains pays, mais pas encore en France.
- Le butylhydroxytoluène (BHT)
- Il est utilisé en remplacement du BHA et est abondamment présent dans les produits cosmétiques. On le retrouve également dans des préparations alimentaires (E321) comme les gâteaux, chewing-gums, céréales de petit-déjeuner, etc. Il est suspecté d’être oestrogénomimétique et cancérogène.
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Les ignifuges bromés / composés polybromés (PBDE)
- Ils sont utilisés comme retardateurs de flamme dans des objets du quotidien: matelas, mousses, capitonnages, véhicules, électronique, meubles, etc. Ils sont très persistant dans l’environnement et ont des effets qui miment les hormones thyroïdiennes.
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Le plomb
- On le retrouve un peu partout, dans les canalisations (anciennes), peintures (anciennes), les batteries automobile, des pigments, etc. Il est considéré comme perturabateur endocrinien et possède des effets neurotoxiques.
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Les composés perflurorés (PFC)
- On les retrouve dans certaines crème cosmétiques, dans les traitements anti-tâche des textiles, des emballages (alimentaires ou non), des équipements de sport. Ils sont particulièrement résistant et restent longtemps dans l’environnement. Ils sont cancérigène et peuvent être à l’origine d’anomalies du métabolisme.
- Le diéthylstilbestrol (Distilbène)
- Ancien scandale sanitaire, il a des propriétés oestrogénomimétiques et est responsable de malformations congénitales. C’était un médicament prescrit en France jusqu’en 1977, date à laquelle il a été interdit.
Les particularités de l’exposition aux perturbateurs endocriniens
Pour certains composés il est clairement établi qu’il existe des toxicités avérées à haute dose. Pour d’autres c’est plus compliqué. Il peut exister des effets plus discrets et à plus faible dose mais également des effets transgénérationnels**.
**Transgénérationnel: dont l’effet traverse les générations
On distingue ainsi plusieurs particularités:
- Les doses d’exposition / la faible exposition: certaines substances n’ont pas d’effet seuil et même une faible dose peu avoir des effets.
- Les relations dose-réponse non monotones: On s’attend en général à une augmentation de l’effet en fonction de la dose. Le fameux “c’est la dose qui fait le poison”(courbe dose-réponse monotone)... Ce proverbe peut être vrai mais pas dans le sens où on l’entend habituellement, les faibles doses de certains produits peuvent avoir plus d’effets que les fortes doses, la courbe de toxicité est inversée (il existe également des courbes de toxicité dites en U ou en U inversé)...
- La problématique de la fenêtre d’exposition: Il existe de périodes critiques où l’exposition eux perturbateurs endocriniens est susceptible de faire plus d’effets. C’est le cas du développement embryonnaire et fœtal mais également de la petite enfance.
- Les effets cocktails: La combinaison d’exposition à plusieurs perturbateurs endocriniens est susceptible d’entrainer des interactions et des effets à des doses non attendues.
Quid de la réglementation?
L’utilisation des substances chimiques est régit au niveau européen (règlement REACH), mais il existe aussi d’autres règlements spécifiques en fonction de l’usage.
Les autorités sanitaires exercent une surveillance des substances suspectés d’être des perturbateurs endocriniens et des études sont conduites afin de déterminer leurs effets et les expositions. En France, l’ANSES est impliquée dans l’évaluation des risques. Suite à l’évaluation de ces risques les listes des PE sont établies et les règlements sont ensuite mis à jour...
Peut-on se protéger des perturbateurs endocriniens?
Pour se protéger des perturbateurs endocriniens, il n’existe pas beaucoup de stratégies: le mieux c’est d’éviter l’exposition...
Ainsi il convient d’éviter si possible les produits qui en contiennent:
- récipients en polycarbonate (PC - 7)
- ne pas utiliser des récipients en plastique au micro-onde
- faire attention au type d’emballage alimentaire
- les produits bio sont susceptibles de contenir moins de pesticides (suspectés d’être des perturbateurs endocriniens)
- éviter les cosmétiques contenant des perturbateurs endocriniens
- Aérer les habitations pour évacuer les perturbateurs endocriniens qui peuvent se dégager des peintures
- Limiter l’utilisation des pesticides / insecticides
Sources
Ministère des solidarités et de la santé
Stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens
EFSA: Le point sur la relation dose-réponse non-monotone